Fenouillet. Un adolescent de 13 ans poignarde sa prof de maths
Puni par son professeur, l'adolescent de 13 ans s'est vengé et l'a blessée grièvement.Vive émotion au collège François-Mitterrand de Fenouillet, dans le Nord-Est de l'agglomération toulousaine, où un élève de 13 ans, a poignardé sa professeur de maths. Il est environ 11 heures hier lorsque le collégien de petite taille inscrit en 5e se rend dans une salle de classe du rez-de-chaussée. Les élèves sont partis, la professeur de maths range ses cours. À ce moment-là, l'ado entre, selon certains témoins, il aurait fermé la porte. Il sort un couteau de cuisine et assène un coup à sa prof. Touchée entre les deux seins, la victime, Véronique Adès, une femme de 32 ans, hurle et se dirige vers la direction. Entre-temps, le collégien qui tente de s'enfuir est rattrapé par le personnel. Sérieusement blessée, la professeur est transportée à l'hôpital Rangueil. La lame a heurté l'artère pulmonaire. Elle a été opérée dans l'après-midi pour une hémorragie interne.
L'adolescent, domicilié à Saint-Jory, a été placé en garde à vue chez les gendarmes de la brigade des recherches de Toulouse Saint-Michel, chargés de l'enquête. Face à la gravité des faits, le parquet a ouvert une information judiciaire pour « tentative d'homicide. »
C'est lors de l'interclasse que cet incident rare s'est produit. Puni la veille par sa professeur de maths parce qu'il n'avait pas rendu un devoir, l'ado veut en découdre. Il sort alors un couteau de table récupéré chez lui et frappe. La victime aurait déjà eu maille à partir avec le jeune garçon connu pour des difficultés « d'apprentissage », mais pas pour des faits de violence. « Cette agression choque profondément toute la communauté scolaire », indique Serge Blanc, le Principal du collège qui a mis en place une cellule psychologique pour les 610 élèves. Les cours n'ont pas repris hier après-midi.
Une agression qui relance la polémique sur la violence dans les écoles. Très remontés, certains parents pointent du doigt « une montée d'agressivité depuis trois ans. » « Un jour, c'est un cartable qui brûle dans le hall, un autre c'est un gamin qui montre son sexe à toute la classe… », racontent des parents inquiets. Des incivilités connues de la direction. « On est de plus en plus confrontés à des élèves rebelles et à une certaine agitation, admet le Principal. Mais rien ne laissait penser que l'on pouvait en arriver là. » Au-delà de l'indignation générale, la FCPE du collège met en avant « la démission de certains parents qui n'assistent plus aux réunions et le manque de moyens humains. » Le collégien pourrait être placé, soit en détention provisoire, soit en centre éducatif fermé.
« Des problèmes en classe »Acte isolé ? Ou geste qui serait la suite d'une longue série d'accrochages entre la professeur et l'élève ? La victime aurait déjà fait remonter, auprès de sa hiérarchie, « des problèmes » survenus en classe avec certains élèves, dont son agresseur présumé. Arrivée il y a trois ans dans ce collège, Véronique Adès est reconnue par ses pairs comme une « prof expérimentée et sérieuse. »
Selon de nombreux parents d'élèves, les cours de cette professeur « sont très souvent chahutés. » Certains mettent en avant « un problème d'autorité directement lié au laisser-aller de la direction. » Des accusations réfutées par le Principal qui met en avant la pratique de nombreuses activités culturelles au sein de l'établissement et notamment « des aides aux devoirs après les cours. »
Selon le principal représentant du « groupement des parents » de ce collège « cette agression n'est pas le fruit du hasard. » Et d'ajouter : « C'est le résultat d'un désengagement de l'Éducation nationale et de l'État. Les réductions drastiques des moyens humains, des professeurs absents non remplacés… autant de dysfonctionnement qui entraînent ce que l'on voit aujourd'hui. »
« Une étincelle peut susciter la rage »
Comment un adolescent peut en arriver là ?Avec toute la prudence nécessaire, je dirais que ce type d'acte relève de cette toute puissance narcissique dans laquelle vivent et baignent beaucoup de nos enfants. Toute puissance dans tout ce qui fait leur environnement, où tout semble fait pour eux, et leur appartenir pour la satisfaction de leurs désirs. Qu'une frustration survienne et elle apparaît rapidement comme injuste. Et à certains comme une insupportable blessure. Par bonheur, pour la plupart, elle s'efface. Mais chez les plus fragiles, et ceci dans n'importe quel milieu, une simple étincelle peut suffire à susciter la rage et ainsi à allumer l'incendie.
Et le désir de vengeance intervient ?Oui, et cette incapacité à supporter la frustration peut se manifester sans aucune retenue. On connaît ce phénomène chez les enfants de 2-3 ans qui se vengent en exerçant une violence sur un jouet ou une poupée. Il semble que l'absence de maturation fasse perdurer cet état chez les certains ados. Comme d'ailleurs chez des adultes : on voit de plus en plus de parents agresser eux-mêmes des enseignants ou des médecins…
Au fond, que penser de cet acte ?Je suis d'abord frappé par la répétition d'actes comparables ces derniers temps, avec d'ailleurs, un même recours à l'arme blanche. Il y a sans doute là une influence de l'image qu'il ne faut pas sous estimer. Plus au fond, tout cela semble indiquer une inquiétante déliquescence de tous les liens d'autorité. Cela montre que les opérateurs sociaux et culturels ne fonctionnent plus.
Gérard Pirlot, psychiatre, auteur de « Violences et souffrances à l'adolescence » (ed. Harmattan)
« La violence devient de plus en plus banale »
« Un acte grave et inexcusable », s'émeut Jean-Louis Girbal, responsable académique de Unsa-Education qui note aussi « la violence devient de plus en plus banale y compris dans des établissements non réputés sensibles ». En apportant son soutien à l'enseignante mais aussi à « l'ensemble de la communauté éducative du collège », l'Unsa observe que ce geste « traduit le malaise profond d'une société qui encense ceux qui réussissent et exclue ceux qui échouent ». Dans ce contexte, poursuit le responsable syndical « l'enseignant devient une cible très vulnérable et nous sommes inquiets car nous sommes confrontés à des choix politiques qui conduisent à de plus en plus de difficultés pour le bon fonctionnement des établissements ».
Jean-Louis Girbal, Unsa-Education
Xavier Darcos envisage des portiques de détection
Visite éclair de Xavier Darcos, sous une pluie de flashes, hier peu après 17 heures, au collège François-Mitterrand. La presse n'a pas pu suivre la visite à l'intérieur. Une demi-heure plus tard, sortie de Xavier Darcos qui, sur les faits, a parlé « d'un geste qui n'est pas anodin ».
« C'est un drame, a-t-il poursuivi. Même si on est face à un événement rarissime, on connaît une recrudescence de ce type d'actes dans nos établissements ».
Pour le reste, le ministre estime qu'il faut « sanctuariser les établissements les plus difficiles » et « examiner toutes les solutions possibles ».
« Pourquoi pas imaginer un système de fouille ? Sommes-nous capables d'empêcher que les armes entrent dans les établissements ? », s'est interrogé Xaver Darcos qui provoquera une réunion de crise, en début de semaine prochaine.
Il a en tout cas a envisagé l'installation de portiques de détection de métaux devant certains établissements. « Est-ce que nous sommes capables d'empêcher que des armes par destination puissent entrer dans les établissements ? », a demandé M. Darcos.
Interpellé par des parents d'élèves en colère sur la question des incivilités constantes au collège, le ministre a répondu que des moyens supplémentaires ne résoudraient pas tout. Dehors, une prof d'anglais, Brigitte Meyer, a décrit les conditions, selon elle, « déplorables » qui règnent dans l'établissement ». « J'ai des collègues en arrêt maladie, on n'en peut plus. ça fait quatre ans que nous réclamons le classement du collège en zone d'éducation prioritaire en vain »
PrécédentsC'est la quatrième agression perpétrée à l'arme blanche sur des enseignants depuis le début de l'année.
Le 12 janvier : un professeur du lycée Curie de Château Gontier (Mayenne) est blessé à coups de couteau pendant un cours de terminal.
Le 22 janvier : un jeune de 12 ans du lycée JeanXXIII de Montigny lès Metz en Moselle blesse une enseignante à la joue avec une paire de ciseau.
Le 16 mars : le directeur du lycée professionnel privé Charles de Foucauld dans le Bas Rhin est blessé d'un coup de canif par un élève de six ans.
Le 15 mai : un élève de 13 ans blesse légèrement une enseignante d'un coup de couteau dans une classe du collège François Mitterrand à Fenouillet.
Source : Ladepeche.fr