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http://www.mecanopolis.org/?p=9506Le Traité
de Lisbonne rend possible la
peine de mortInterview
de Karl Albrecht Schachtschneider, professeur
de droit
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Olivier Janich, du magazine Focus-Money: D’après ce que vous affirmez dans la plainte contre le Traité
de Lisbonne que vous avez adressée à la Cour constitutionnelle allemande, ledit Traité permet la
peine de mort et le fait
de tuer des personnes. Cela paraît énorme. Sur quoi fondez-vous votre argumentation?
Karl Albrecht Schachtschneider: La Charte des droits fondamentaux
de l’Union européenne, dans les «explications» des droits fondamentaux, rend explicitement possible – contrairement à l’abolition
de la
peine de mort en Allemagne (art. 102
de la Loi fondamentale), en Autriche et ailleurs, fondée sur le principe
de dignité humaine – le rétablissement
de la
peine de mort «pour des actes commis en temps
de guerre ou
de danger imminent
de guerre» et également le fait
de tuer des personnes «pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection».
Mais la Charte n’interdit-elle pas la
peine de mort?
Ce qui est déterminant à cet égard, ce n’est pas l’article 2-2
de la Charte, qui interdit la
peine de mort («Nul ne peut être condamné à la
peine de mort, ni exécuté.»), mais l’«explication» reprise du commentaire
de la Convention européenne
de sauvegarde des droits
de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH). Selon l’article 6 alinéas 1 et 3 du Traité
de Lisbonne, «les droits, les libertés et les principes»
de la Charte sont à interpréter en fonction des dispositions générales du Titre VII
de la Charte qui en définit l’interprétation et l’application ainsi qu’en tenant dûment compte des «explications» mentionnées dans la Charte et où sont indiquées les sources
de ces dispositions.
Pourquoi tant
de complication?
C’est pour dissimuler les choses. On ne présente aux députés que le texte du Traité, qui est
de toute façon difficile à comprendre et beaucoup trop long.
Mais est-il maintenant tout à fait clair qu’il sera possible
de tuer des personnes quand le Traité sera en vigueur ?
Oui. La Charte des droits fondamentaux a été adoptée en 2000 à Nice. Mais comme tous les pays n’étaient pas d’accord, elle n’avait pas
de caractère obligatoire au regard du droit international. Lorsque le Traité entrera en vigueur, la Charte aura ce caractère obligatoire.
Mais le passage en question ne figure que dans les explications …
Mais selon l’article 53 alinéas 3 et 5
de la Charte, elles sont contraignantes. Elles figurent au Journal officiel
de l’Union européenne. Il n’y a pas
de marge d’interprétation.
En reconnaissant le Traité
de Lisbonne, la Cour constitutionnelle allemande n’a-t-elle pas réfuté votre interprétation?
Absolument pas. Elle ne s’est pas prononcée à ce sujet.
Est-ce habituel
de sa part?
C’est même la règle. Quand elle ne veut pas étudier une question, elle ne se prononce pas.
Est-ce juridiquement possible?
C’est plus que discutable, mais habituel.
Selon l’explication, la
peine de mort peut être introduite en temps
de guerre ou
de danger imminent
de guerre. Il s’agit là d’un cas très théorique.Vous croyez? Ne sommes-nous pas en guerre en Afghanistan? Qu’est-ce qu’un danger
de guerre? Qu’en était-il
de la guerre en Yougoslavie?
Mais il n’est pas normal, en temps
de guerre, d’exécuter des déserteurs, par exemple.
Si, dans les dictatures.
Ce qui est encore plus inquiétant, c’est que l’on puisse tuer illégalement et sans ordonnance d’un juge lors d’un émeute ou d’une insurrection. Qui définit cela?
C’est là le problème. A mon avis, les «manifestations du lundi» à Leipzig, en 1989, pourraient être qualifiées d’insurrection, comme pratiquement toute manifestation non autorisée. Prenons les émeutes en Grèce ou les manifestations récentes
de Cologne et
de Hambourg. Il suffit que quelques «autonomistes» lancent des pierres.
Il y a des politiques et des juristes qui affirment que les droits fondamentaux d’un pays ne peuvent qu’être améliorés par le Traité
de Lisbonne, qu’ils ne peuvent pas être dégradés.
La Charte des droits fondamentaux
de l’Union européenne n’affirme ni la priorité des droits fondamentaux nationaux ni un principe d’avantage et elle ne formule aucune clause restrictive. Ceux qui prétendent cela montrent qu’ils ne connaissent pas le droit communautaire.
Comment cela?
Ils se fondent sur l’article 53
de la Charte, mais le texte ne dit pas cela. Il stipule qu’«aucune disposition
de la présente Charte ne doit être interprétée comme limitant ou portant atteinte aux droits
de l’homme et aux libertés fondamentales reconnus, dans leur champ d’application respectif, par le droit
de l’Union, le droit international et les conventions internationales auxquelles sont parties l’Union, la Communauté ou tous les Etats membres, et notamment la Convention européenne
de sauvegarde des droits
de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que par les constitutions des Etats membres». Le passage «dans leur champ d’application respectif» est essentiel. En effet, si c’est le droit communautaire qui s’applique, les droits fondamentaux
de l’Union européenne sont déterminants (article 51-1) et si c’est le droit national, les droits fondamentaux nationaux sont déterminants. Les deux textes ne s’appliquent jamais simultanément.
Mais la Cour
de justice européenne pourrait établir que dans ce cas, le droit national est prioritaire.
Mais c’est justement ce qu’elle n’a jamais fait. Elle s’estime toujours compétente. En outre, l’interdiction
de la
peine de mort n’est pas un droit fondamental, si bien que l’argument selon lequel les droits fondamentaux ne peuvent pas être dégradés n’est pas valable.
Un autre argument avancé par les milieux
de la Commission européenne consiste à dire que ce passage devrait permettre d’accueillir la Turquie.
C’est grotesque. En tant que Communauté, nous devrions dire que nous n’accueillerons aucun pays dans lequel il est permis
de tuer des personnes, et non l’inverse.
Les politiques sont-ils conscients
de ce qu’ils décident là?
Peut-être pas tous, mais au moins le groupe parlementaire CDU/CSU. J’ai fait distribuer à cet effet un résumé
de 5 pages seulement
de ma plainte afin que les parlementaires n’aient pas trop à lire. Et le SPD devrait connaître le problème car l’un
de leurs parlementaires, Meyer, a essayé
de s’opposer au Traité
de Nice.
Pouvez-vous imaginer une raison pour laquelle on prend ce genre
de décision?
Les gouvernements s’attendent manifestement à des insurrections. Le scepticisme à l’égard des gouvernements et
de l’appareil européen ne cesse d’augmenter. La crise financière et économique accentue la pression sur la population.
Donc on a l’intention
de tirer sur les manifestants?
C’est ce qu’il semble.
Que peut-on faire là-contre?
A mon avis, le Traité
de Lisbonne justifie la résistance, également parce qu’il sape la démocratie.
A quelle forme
de résistance pensez-vous?
Par exemple à des manifestations et à toutes les formes d’opposition publique, à la voie suivie par Gandhi.
Manifestations qui vont être qualifiées d’insurrections. Cela évoque les dictatures.
Le terme
de dictature est impropre mais très usité. Depuis la République romaine, on la définit comme une législation
de l’état d’urgence d’une portée limitée dans le temps. Je parlerais plutôt
de despotisme, lequel peut dégénérer en tyrannie. D’ailleurs, si en octobre les Irlandais acceptent le Traité
de Lisbonne, la
peine de mort sera rétablie.
Source: Focus-Money du 19/8/09
Traduction : Horizons et Débats
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